Falsifications d’ordonnances & pratiques addictives

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Falsifications d’ordonnances & pratiques addictives

Par le Dr Antoine Canat, médecin ressources au sein de Généralistes et Addictions Hauts de France

illustration loupe

La dynamique addictive, en ce qu’elle conduit l’usager.e de substances psychoactives à prendre des risques pour satisfaire un impératif de consommation (1), peut amener certaines personnes à recourir à une falsification d’ordonnances aux fins d’acquérir la substance à laquelle elles sont addictées.

Qu’appelle-t-une falsification d’ordonnance ?

Source Addictovigilance (2) (addictovigilance.fr)

Une « ordonnance suspecte » correspond à une ordonnance qui n’est pas la traduction d’une prescription selon les critères réglementairement admis et/ou médicalement justifiés. Son identification repose essentiellement sur la vigilance des pharmaciens.

La définition d’une telle ordonnance inclut :

  • Les ordonnances rédigées sur une ordonnance volée, les ordonnances photocopiées, scannées ou fabriquées sur ordinateur,
  • Les ordonnances modifiées, c’est-à-dire les ordonnances valides secondairement modifiées (par adjonction d’un médicament ne figurant pas initialement, ou par modification de la posologie ou de la durée du traitement),
  • Les prescriptions manifestement anormales ne rentrant pas dans les deux premières situations, pouvant inclure par exemple des prescriptions de complaisance, ou qui paraissent inappropriées du point de vue du pharmacien.

Quels sont les médicaments qui entraînent le plus de falsifications d’ordonnances ? (3)

En 2022, les médicaments les plus cités par le programme OSIAP (4) (Ordonnances Suspectes Indicateurs d’Abus Possible) sont le paracétamol, le tramadol, les spécialités antitussives à base de codéine, puis la prégabaline et les benzodiazépines ou assimilés (alprazolam, zolpidem, zopiclone).

Les personnes amenées à solliciter un traitement en officine à partir d’ordonnance falsifiées sont plus souvent des hommes (59%) que des femmes (32%). L’âge moyen est de 34 ans (écart-type : 14). Dans 9,3% des cas, le patient est connu dans l’officine recueillant l’ordonnance.

Alors que faire ?

  1. Porter plainte auprès des services de police ou de gendarmerie
  2. Informer son conseil de l’Ordre
  3. Informer l’ARS ainsi que la caisse primaire d’assurance maladie (Peut-être fait soit par le professionnel de santé, soit par le conseil de l’ordre)
  4. Déclarer l’ordonnance falsifiée dans la base de données OSIAP par le pharmacien d’officine (ansm.sante.fr/uploads/2021/03/26/formulaire-de-recueil-des-ordonnances-falsifiees-enquete-osiap.pdf)
  5. Déclarer (obligatoire) la situation de pharmacodépendance au CEIP-A régional à partir du formulaire disponible via le lien suivant ansm.sante.fr/uploads/2020/10/20/stupsy-signalement-pharmacodependance-mai2012.docx ; Centre Régional de Pharmacovigilance (CRPV) Nord Pas de Calais CHRU de Lille 1, place de Verdun 59045 Lille Cedex Courriel : pharmacodependance@chu-lille.fr & Téléphone : 03 20 44 54 49

Le conseil de Généralistes et Addictions Hauts de France :

Vecteur résolution ressources outils pratiques

La falsification d’ordonnance est une situation qui peut malheureusement émailler le suivi d’une personne en difficulté avec un comportement addictif. Il s’agit là d’un comportement potentiellement inhérent à l’addiction. Il est important de ne pas rester seul.e face à cette situation. N’hésitez pas à vous rapprocher du pôle d’Intervision de votre secteur afin de pouvoir échanger en intervision avec les professionnels accompagnant ce patient et des experts en addictologie.

Nota Bene :

La falsification d’ordonnance est considérée comme un faux et l’utilisation d’ordonnance portant le nom ou le cachet d’un professionnel de santé, afin notamment d’obtenir la délivrance de médicament, est considérée comme une escroquerie (Cassation chambre criminelle 9 septembre 2020 n° 19-81.002/Cassation chambre criminelle 17 janvier 2017 n° 16-80.029).

L’article 313-1 du Code pénal prévoit une sanction de 5 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende pour l’auteur d’une telle infraction.

Références :

1. Association AP, Crocq MA, Guelfi JD, Boyer P, Pull C, Erpelding MCP, et al. DSM-5 : manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. 5e éd. Paris: Elsevier Masson; 2015. LVII‑1114.
2. Addictovigilance [Internet]. [cité 9 avr 2024]. Addictovigilance. Disponible sur: addictovigilance.fr/
3. Lapeyre-Mestre M, Jouanjus E. Resultats nationaux de l’enquête OSIAP 2022 – CEIP-A. Addictovigilance; 2024.
4. Addictovigilance. OSIAP. Disponible sur: addictovigilance.fr/programmes-dobservation/osiap/