Addiction aux jeux de hasard et d’argent : définitions, repérage et prévalence en France

Par Adrien Deparis, Chargé de Projet de Généralistes et Addictions Hauts de France

Qu’est-ce qu’un jeu de hasard et d’argent (JHA)?

Pour parler de jeux de hasard et d’argent, quatre caractéristiques doivent être présentes :

1. Une mise d’argent ou d’un objet de valeur
2. Cette mise est irréversible une fois encaissée
3. Le résultat dépend totalement ou en partie du hasard
4. Une issue binaire : un gain ou une perte. Il n’y a pas d’entre deux comme les quasi gains¹.

Ces jeux peuvent être divisés en 2 catégories :

1. Les jeux de hasard pur où le joueur n’a aucune influence sur l’issue du jeu : tickets à gratter, roulette, machines à sous et jeux de loterie en tout genre.
2. Les jeux mêlant habileté et hasard où les joueurs peuvent utiliser leurs connaissances afin de faire leurs pronostics : paris sportifs, paris hippiques ou encore le poker.

Sur quoi repose le potentiel addictif des jeux de hasard et d’argent ?

Les caractéristiques structurelles les plus susceptibles de provoquer une conduite addictive sont :

• Le laps de temps très court entre la mise et le résultat (ex : Les machines à sous)
• La surestimation de l’expertise pour les paris (paris sportifs, paris hippiques, poker…)
• Les biais cognitifs utilisés par les opérateurs de jeux : négation de l’indépendance des tours laissant croire au joueur qu’il a un contrôle sur l’issue du jeu (ex : le casino donnant des statistiques sur les précédents tirages de la roulette)
• Les quasi-gains (ex : avoir 2 symboles identiques sur les 3 nécessaires sur un ticket à gratter)².

Comment se caractérise l’addiction aux JHA ?

• pertes de contrôle répétées en termes de dépenses d’argent mais aussi de temps consacré aux jeux (temps de jeu effectif ou temps pour construire ses paris),
• envie systématique de combler les pertes financières en jouant encore (se refaire)
• pensées concentrées uniquement autour des jeux…
• échec pour mettre fin à la pratique, déni de la réelle ampleur des habitudes de jeu

Comment repérer ?

Différents outils peuvent être utilisés afin d’essayer de détecter les personnes ayant des difficultés avec le jeu : le test du LIE/BET³, le SOGS⁴ ou encore l’Indice Canadien du Jeu excessif (ICJE)⁵, le plus utilisé en France.
Concernant le « jeu pathologique », seul un examen clinique fait par spécialiste permet de poser ce diagnostic. Pour cela, les professionnels peuvent utiliser ce qui se trouve dans le DSM-V⁶ utilisant le terme de « gambling disorder ».

Quel impact sur la population française ?

Le baromètre santé de 2019⁷ s’est intéressé à la question des JHA chez les personnes âgées de 18 à 75 ans. Environ 1 million de personnes feraient partie des joueurs à risque modéré (score ICJE entre 3 et 7) et 370 000 personnes seraient considérées joueurs excessifs (ICJE d’au moins 8). Ces deux groupes rassemblés forment ce que l’on appelle les joueurs problématiques, qui représentent environ 6% des joueurs.

Bien qu’ils ne soient pas autorisés à jouer, les adolescents sont aussi concernés par le jeu problématique. En 2022, une enquête auprès de 5 000 jeunes âgés de 15 à 17 ans révèle qu’environ 35% des adolescents joueurs sont des joueurs problématiques⁸.

Face à l’ampleur de ce phénomène, l’OFDT estime à 2 229 les personnes suivies en CSAPA pour une problématique en lien avec les jeux de hasard et d’argent. Ce chiffre peu élevé témoigne de la difficulté pour les joueurs de se rendre dans un centre spécialisé⁹.

 Le conseil de Généralistes et Addictions Hauts de France :

« Les problématiques addictives liées aux jeux de hasard et d’argent sont rarement explorées en soins primaires. Le premier des conseils est donc de l’évoquer en consultation. Pour les situations les plus complexes, n’hésitez pas à vous rapprocher des Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) de proximité, des Consultations Jeunes Consommateurs (CJC) ou de solliciter une Intervision sur votre secteur dans le but d’échanger avec les professionnels accompagnant ce patient et des experts en addictologie.

Dans le domaine des jeux de hasard et d’argent, la région Hauts-de-France possède des binômes référents dans les structures suivantes :

• CSAPA Association Addictions France Beauvais (24, rue de Buzanval 60000 BEAUVAIS)
• CSAPA Association Addictions France 80 (12 place d’Estourmel 80200 Péronne)
• CSAPA du CHAM (64bis rue Carnot 62600 Berck-sur-Mer & Rue Codron Carlu 62630 Etaples)
• CSAPA Delta (42 rue de Mons 59300 Valenciennes)
• CSAPA GHSC (78 rue Salvador Allende 62220 Carvin)
• CSAPA Horizon 02 (08 Boulevard Cordier, 02100 Saint-Quentin)
• CSAPA Le Cèdre (11 Rue Eugène Varlin 59160 Lomme) »

Références :

1. Jeu aide et référence : « Que sont les jeux de hasard et d’argent ? ↩︎
2. Marie Grall-Bronec « Le jeu d’argent pathologique : aspects cliniques et thérapeutiques » ↩︎
3. Johnson, E.E., Hamer, R., Nora, R.M., Tan, B., Eistenstein, N., Englehart, C. (1998). The lie/bet questionnaire for screening pathological gamblers. Psychological Reports, 80, 83-88. ADAPTÉ PAR CRD DU CISSSMO, avril 2019 ↩︎
4. Lesieur, H. R., & Blume, S. B. (1987). The South Oaks Gambling Screen (SOGS): A new instrument for the identification of pathological gamblers. The American Journal of Psychiatry, 144(9), 1184–1188 ↩︎
5. Ferris, J., & Wynne, H (2001). The Canadian problem gambling index : Final report. Ottawa : Canadian Centre on Substance Abuse ↩︎
6. DSM-5, 5e édition du « Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders », American Psychiatric Association, 2013 ↩︎
7. Costes J.-M., Richard J.-B., Eroukmanoff V., Le Nézet O., Philippon A. (2020) Les Français et les jeux d’argent et de hasard. Résultats du Baromètre de Santé publique France 2019 ↩︎
8. Marie-Line Tovar, Jean-Michel Costes « La pratique des jeux d’argent et de hasard des mineurs en 2021 (ENJEU-Mineurs) » SEDAP, Février 2022, 22 p ↩︎
9. Eroukmanoff V. (2023) Les jeux d’argent et de hasard en France en 2024. Paris, OFDT, coll. Notes de bilan, 10 p ↩︎

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