Affection de Longue Durée (ALD) en Addictologie

Par le Dr Antoine Canat, médecin ressources au sein de Généralistes et Addictions Hauts de France
ALD en Addictologie, quelle est la problématique ?
En addictologie, la question de l’ALD (Affection de Longue Durée) revient régulièrement dans les consultations. Les patients concernés présentent souvent des parcours de santé complexes, mêlant troubles addictifs, comorbidités psychiatriques et parfois complications somatiques sévères. Pourtant, l’accès à l’ALD reste extrêmement variable selon les caisses et selon les médecins conseils.
Les troubles liés à l’usage de substances concernent plusieurs millions de personnes en France, mais ils ne figurent pas en tant que tels dans la liste « ALD 30 » (HAS, Guide ALD – mises à jour régulières).
L’entrée en ALD repose donc soit :
🟡 sur une comorbidité ou une complication organique sévère (ex. : cirrhose, pancréatite chronique, affections psychiatriques graves) qui relève d’une ALD 30
🟡 sur une ALD 31 (« hors liste ») lorsque l’addiction génère un trouble sévère, durable, avec impact fonctionnel majeur nécessite un traitement prolongé et/ou coûteux.
Quels sont les avantages de l’ALD ?
🟡 Prise en charge sécurisée : Prise en charge à 100 % des soins liés à l’ALD, utile pour les TSO ou les suivis intensifs.
🟡 Stabilisation des parcours de soins : Moins de renoncements aux soins, meilleure continuité thérapeutique, surtout pour les patients en situation de précarité.
🟡 Facilitation de la coordination : Ouvre la voie à un suivi pluridisciplinaire : généralistes, CSAPA, psychiatres, spécialistes somatiques.
Implications pratiques
🟡 En addictologie, la demande d’ALD est toujours médicale, jamais morale : elle s’appuie sur la sévérité, la chronicité, l’impact fonctionnel et les besoins en soins.
🟡 L’ALD peut être arguée même en l’absence de complication grave, via l’ALD 31, lorsque la pathologie addictive nécessite un traitement au long cours ou des suivis rapprochés.
🟡 Les comorbidités psychiatriques ou somatiques doivent être décrites rigoureusement.
Limites & disparités
🟡 Aucune addiction n’entre officiellement dans les ALD de la liste : elle passe donc très souvent par l’ALD 31.
🟡 Disparités entre caisses : les critères appliqués varient, malgré l’absence de cadre explicite publié par l’Assurance Maladie.
🟡 Motifs de refus peu transparents : une part importante des refus ne contient aucun motif, ce qui complique les reformulations (Doubovetzky, 2023).
🟡 Interprétation variable de la notion de gravité : certains médecins-conseils utilisent les critères DSM-5, d’autres exigent des complications sévères. Un travail universitaire portant sur 15 années de demandes d’ALD pour « addiction grave » décrit une chute du taux d’acceptation de 96 % (2016) à 25 % (2022), sans modification des critères médicaux utilisés. Les refus sont devenus majoritairement non motivés, et les décisions divergent d’un territoire à l’autre malgré des dossiers comparables (Doubovetzky, 2023).
Que mentionner dans une demande d’ALD ?
(Ordre important pour optimiser la lisibilité médicale et réduire les risques de refus)
1️⃣ D’abord : les pathologies pouvant relever d’une ALD 30
Exemples : cirrhose ou hépatopathie sévère, pancréatite chronique, cardiomyopathie ou neuropathie alcoolique, troubles psychiatriques graves, etc. (dépression sévère, psychose, bipolarité).
2️⃣ Ensuite, la description du trouble addictif : sévérité selon DSM-5, ancienneté, tentatives de sevrage, rechutes, nécessité d’un traitement prolongé (TSO, anti-craving…).
3️⃣ Puis : les comorbidités si non relatives à une ALD 30
4️⃣ Les besoins de soins au long cours : consultations rapprochées, bilans répétés, accompagnement psychologique, soins somatiques.
5️⃣ L’impact fonctionnel : difficultés sociales, cognitives, professionnelles, précarité, vulnérabilité.
Le conseil de Généralistes et Addictions Hauts de France :
La demande d’ALD peut constituer en elle-même une approche thérapeutique en ce sens qu’elle facilite le soin et place la personne dans une perspective sécurisante. Lorsque l’ALD est indiquée mais refusée, reformuler la demande en plaçant en premier les pathologies relevant potentiellement d’une ALD 30, puis la sévérité du trouble addictif, et enfin les comorbidités (précisant si elles sont préalables ou concomitantes). Pour les situations les plus complexes, n’hésitez pas à vous rapprocher des Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) de proximité ou solliciter une Intervision sur votre secteur (gahdf.fr/evenements/) dans le but d’échanger en Intervision avec les professionnels accompagnant ce patient et des experts en addictologie ».
Ressources :
🟡 Haute Autorité de Santé. Guide méthodologique – Affections de longue durée. (actualisations continues).
🟡 Assurance Maladie. Guide ALD – Protocoles de soins. CNAM, versions actualisées 2023–2024.
🟡 Doubovetzky J. L’admission à la prise en charge en ALD pour addiction grave. Mémoire de DU d’Addictologie, Université Paris-Saclay, 2023.
🟡 Société Française d’Alcoologie (SFA). Recommandations sur les consommations à risque et dépendance à l’alcool, 2021.
🟡 RESPADD. Repérage, réduction des risques et accompagnement des patients avec troubles addictifs, publications 2020–2024.
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