Trouble lié à l’usage de la prégabaline

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Trouble lié à l’usage de la prégabaline

illustration loupe

Par le Dr Antoine Canat, médecin ressources au sein de Généralistes et Addictions Hauts de France

Avec la participation des Drs Sylvie Deheul et Philippe Pinson.
Soumis au Conseil Scientifique et Technique de G&A HdF.

illustration webinaire prégabaline

Qu’est-ce que la prégabaline ?

  • La prégabaline est une molécule appartenant à la classe des gabapentinoïdes, commercialisée en France à partir des années 2000 dans le traitement de l’épilepsie, des douleurs neuropathiques et du trouble anxieux généralisé1.
  • Les gabapentinoïdes sont des dérivés structurels du GABA sans action directe sur les cibles pharmacologiques du GABA et ils diminuent ainsi l’excitabilité des neurones. Une médiation glutamatergique est également discutée.
  • La gabapentine et la prégabaline ont des mécanismes d’action similaires mais la prégabaline présente un risque d’abus supérieur à la gabapentine, du fait de propriétés pharmacocinétiques distinctes2 : pic plasmatique plus précoce pour la prégabaline et effet plateau pour la gabapentine.

Quelles sont les utilisations détournées ?

La prégabaline ou Lyrica® peut être obtenue par prescription ou parfois achetée illicitement avec les noms de Saroukh, Taxi, Fusée, Pfizer. Elle peut être consommée par voie orale, sniffée ou injectée3. La prégabaline est alors utilisée pour rechercher différents effets : détente, anxiolyse, désinhibition, sédation,  » défonce, réduire le flux de pensées, mais aussi pour réduire ou augmenter les effets d’autres traitements psychotropes ». 4

La prégabaline peut exposer à des effets indésirables notables : soif/déshydratation, vomissement/constipation, prise de poids, idéations suicidaires, altération des fonctions sexuelles, troubles de l’accommodation, confusion, troubles mnésiques, sédation, désorganisation du cours de la pensée, hallucinations, troubles du comportement 1

Les risques sont majorés quand les personnes consomment de manière concomitante des dépresseurs (opioïdes, benzodiazépines, kétamine, alcool…) 2.

Où en est-on du mésusage ?

Les services français d’addictovigilance observent une progression des déclarations. Les ordonnances falsifiées de prégabaline (enquête OSIAP) ont connu une forte progression de déclaration jusqu’en 2021 – date de modifications des conditions de prescription. Elle reste dans le top 4 des médicaments les plus détournés5,6.

Que faire ?

Identifier les profils à risques :

  • Le genre masculin ; le jeune âge (entre 18 et 45 ans) voire adolescents ;
  • La présence de pathologies chroniques, d’antécédents d’addiction, ou d’un traitement substitutif oral ; une comorbidité psychiatrique ;
  • Le cumul de plusieurs prescripteurs et un faible revenu7

Pour les prescripteurs du premier recours, avant une prescription :

  • Pratiquer une anamnèse médico-psychosociale approfondie en identifiant les vulnérabilités, les facteurs de risques, les co-consommations,
  • Ne pas prescrire à une posologie > à 600mg de prégabaline par jour

Une fois le trouble installé :

  • Ne pas arrêter brutalement – le sevrage peut être dangereux (idem que pour l’alcool, les benzodiazépines, le baclofène = action gabaergique) : prévoyez un arrêt dégressif par palier8.
  • Privilégier un accompagnement multidisciplinaire (addictologie, psychiatrie, médecine de la douleur, mais aussi psychologue, travailleur social, etc…
  • Privilégier une approche de réduction des risques et des dommages

Le conseil de Généralistes et Addictions Hauts de France :

« Les troubles liés à l’usage de la prégabaline semblent être en progression. Comme pour d’autres substances psychoactives, il existe des intoxications ponctuelles, des mésusages et des addictions. Il est important d’informer les patients des risques inhérents et des stratégies pour limiter les risques. Il est toujours utile de peser les indications des prescriptions, d’identifier les risques préalables et de préférer la gabapentine lors de l’introduction d’un gabapentinoide si celui-ci est nécessaire. Pour les situations les plus complexes, n’hésitez pas à vous rapprocher des Centres de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) de proximité ou solliciter une Intervision sur votre secteur dans le but d’échanger avec les professionnels accompagnant ce patient et des experts en addictologie »

Plus d’informations :

  1. Résumé des caractéristiques du produit – PREGABALINE BIOGARAN 75 mg, gélule – Base de données publique des médicaments ↩︎
  2. Bonnet U, Scherbaum N. How addictive are gabapentin and pregabalin? A systematic review. European Neuropsychopharmacology. 1 déc 2017;27(12):1185‑215. ↩︎
  3. Schjerning O, Rosenzweig M, Pottegård A, Damkier P, Nielsen J. Abuse Potential of Pregabalin. CNS Drugs. 1 janv 2016;30(1):9‑25. ↩︎
  4. Dalsgaard H, Dalhoff KP, Heerfordt IM. A review of the addictive potential of pregabalin and gabapentin. Adverse Drug Reaction Bulletin. août 2024;347(1):1347. ↩︎
  5. Addictovigilance. 2020. Rapport d’expertise d’addictovigilance, portant sur la prégabaline. Disponible sur: addictovigilance.fr/rapports/pregabaline/ ↩︎
  6. Centre d’Addictovigilance de Toulouse. bulletin n°11 de l’Association Française des Centres d’Addictovigilance – « Une crise des gabapentinoïdes? » Addictovigilance. 30 août 2019 ↩︎
  7. Driot D, Jouanjus E, Oustric S, Dupouy J, Lapeyre-Mestre M. Patterns of gabapentin and pregabalin use and misuse: Results of a population-based cohort study in France. Br J Clin Pharmacol. juin 2019;85(6):1260‑9. ↩︎